Janvier
2004, OO-land.
La nouvelle économie est-elle morte ?
La fumée se dissipe peu à peu du champ de bataille, dévoilant l'ampleur
du carnage. Des valeurs Internet moribondes rampent de ça et de
là, entre 0.14
et 0.32
euros.
Les web-agencies qui ne sont pas mortes au combat ont été emportées
par des SSII ou des agences de com' belliqueuses. Des myriades de
sites d'e-commerce ont été rayés d'Internet sous le simple prétexte
qu'ils étaient structurellement déficitaires (et alors ?) ou qu'ils
arnaquaient clients et fournisseurs (la bonne excuse).
Dans les rangs des anciens, chacun y va de son témoignage. Nostalgie.
Le PDG-Fondateur-CEO-partner-Managing-Director d'une start-up de
loterie aux enchères se souvient avec émotion : "On partageait le
même incubateur. Forcément, ça crée des liens. Un
soir en rentrant d'un n-ième assaut infructueux sur un VC, j'ai
trouvé ses bureaux vides. Ca m'a fait un choc. Cette start-up avait
été emportée par une assemblée générale extraordinaire foudroyante.
En deux heures, toutes ses affaires avait disparu. Elle n'avait
pas de famille, pas de maison-mère. Comme nous tous dans l'incubateur,
elle aspirait à des bonheurs simples : une gentille IPO qui l'attendrait
quelque part et prendrait soin d'elle. Le destin en avait décidé
autrement."
Il n'y a que les anciens comme nous pour se souvenir de cette époque
glorieuse ! Tout le monde partait la fleur au fusil, on allait bouffer
de l'ancienne économie ! Vous vous souvenez du lancement de
Kasskooye.com ? C'était le 1er avril 2000. Il flottait dans l'air
cette soif de conquête, une ferveur et un enthousiasme qui déplaçait
des montagnes d'argent ! Souvenez-vous de la First-Tuesday
Night Fever !!
Ah, c'était quelque chose à l'époque ! Avec des potes associés
on n'hésitait pas à coincer un VC dans un coin du First Tuesday,
à lui déballer notre business-plan, le forcer même à le prendre
dans sa main. On lui arrachait toutes ses cartes de visite et là,
dans la semi-obscurité complice, on le travaillait entre un plateau
de petits fours et l'entrée des cuisines jusqu'à ce que les millions
giclent. Et puis même s'il prenait son petit air farouche, on savait
que dans le fond, il aimait bien ça. Il pouvait jouer les saintes
Nitouchepasaugrisbi, il n'était pas venu là juste pour se goinfrer
de petits fours gratos ! Il résistait juste pour sauver les apparences,
se donner bonne conscience. Mais on ne lui en veut pas. Enfin, qu'est-ce
qu'on lui a pris !!
Tout ça pour dire qu'on savait vivre, bordel de merde !! On
passait des nuits à bosser pour lancer les sites, on dînait d'une
Spicy Hot One avec chicken wings et Haagen-Däsz. Pas comme les jeunes
d'aujourd'hui. Qui ne rêvent que de faire carrière dans la fonction
publique et n'ont jamais connu que les glaces Ben&Jerry dans les
menus Pizza Hut... Tout fout l'camp, j'vous dis...
Aujourd'hui, Kasskooye a emménagé dans sa maison de retraite,
un petit hébergement tranquille et pas cher (euh gratuit en fait.
Merci DD!). Il pourra y poursuivre une vie simple et rangée à se
rappeler les souvenirs de la grande époque et à regarder Derrick
dans la salle commune. Vous pouvez venir le voir, ça lui fera plaisir,
parce qu'il se sent un peu seul :tous les sites-amis ont disparu
les uns après les autres ; les liens dans les newsletters pointent
souvent vers des sites qui n'existent plus.
Mais lui, KKOO, il se souvient ; il vous racontera avec plaisir
ses souvenirs d'ancien combattant de la nouvelle économie. Il vous
fera revivre cette époque faste. Oui, il devrait être bien, dans
son nouvel hébergement. Il emporte avec lui ses "oo" papillonnants
et on a bien rangé tous ses souvenirs dans une petite boîte. Témoignage
archéologique à destination des générations futures.